Photo : Gregory Monro prise lors du festival Lumière de 2016
À l’occasion d’une exposition sur l’artiste Toulouse-Lautrec au Grand Palais à Paris, Arte diffuse ce dimanche 20 octobre un documentaire retraçant la vie tourbillonnante de l’artiste produit par le CFRT (Comité Français de Radio-Télévision), avec le soutien de la RMN (Réunion des Musées Nationaux) et du musée d’Orsay.
Gregory Monro, qui en est le réalisateur, a déjà plusieurs documentaires à son actif tels que Calamity Jane, légende de l’Ouest, Jerry Lewis, clown rebelle, Michel Legrand, sans demi-mesure entre autre. Son expérience cinématographique autour de personnalités aux vies bouleversantes a particulièrement attiré l’œil de la productrice de documentaires au CFRT, Emmanuelle Dugne.
Pour nous éclairer sur l’élaboration de son travail, Gregory Monro a accepté de répondre à nos questions.
Qui a été à l’origine du projet ?
C’est Emmanuelle Dugne qui m’a contacté par le biais d’une connaissance commune que nous avions à l’INA. Venant de la fiction, et ayant par le passé réalisé un documentaire sur « Calamity Jane », dans lequel la part d’évocations était conséquente, Emmanuelle a tout de suite pensé à moi pour insuffler la vie à Toulouse-Lautrec.
Connaissiez-vous Toulouse-Lautrec ?
Oui, bien sûr, j’avais vu des films sur lui, je connaissais ses œuvres, sa réputation. C’est un personnage « outsider », qui m’a tout de suite parlé ! Il faut croire que j’aime les outsiders… dois-je en déduire que j’en suis un ? À méditer (rires).
De quelle manière avez-vous choisi d’aborder cet artiste ?
J’ai pour ligne directrice de toujours me mettre au service du sujet. Je respecte l’identité, l’aura du personnage. Dans le cas présent, il fallait le retranscrire de la manière la plus juste possible. Trop de clichés entourent l’existence de Toulouse-Lautrec, il fallait aller à contre-courant, au-delà des idées reçues. C’est un personnage éclectique, mais pas seulement. L’objectif était avant tout de mettre en avant son amour pour l’art et la vie. Sans doute que son handicap l’y a poussé. Quelle aurait été son existence dans le cas contraire ? Certains aiment à y songer…
Y avait-il des critères à respecter lors de la commande ?
Il fallait respecter l’axe de l’exposition, « Résolument moderne ». Le commissaire de l’exposition voulait montrer à quel point Toulouse-Lautrec pouvait être en avance sur son temps, en quoi il était un artiste novateur et visionnaire, il souhaitait apporter un éclairage nouveau. Lautrec était très moderne, il a toujours dessiné, peint et lithographié ce qu’il voyait. Difficile à catégoriser, certains s’accordent sur le terme de « naturaliste ». Le documentaire devait être en concordance avec l’exposition. Par ailleurs, il fallait être en accord avec les musées, le diffuseur, le producteur… ça n’était pas facile car il fallait respecter la volonté des uns et des autres. Un vrai challenge ! (rires)
Comment avez-vous fait coïncider le film avec les œuvres exposées au Grand Palais ?
J’ai eu la chance de voir les œuvres de l’exposition en amont et cela m’a beaucoup inspiré. Pour exemple, la parodie de l’œuvre « Le Bois Sacré » de Puvis de Chavanne m’a beaucoup amusé et m’a montré son côté provoquant, sa volonté d’aller à l’encontre de l’académisme, son souhait de se distancier des autres artistes. Il y a pas mal de créations que j’ai pu mettre en avant, des œuvres phares. Toulouse-Lautrec prenait son art très au sérieux.
Comment se sont passées les conditions de tournage ?
Tout le tournage s’est fait à Montreuil, dans l’atelier du chef décorateur. C’était idéal, un vrai bonheur. J’étais entouré d’une équipe qui avait l’habitude des fictions, notamment de mon ami Nicolas Le Gal, mon chef opérateur attitré ! C’était un vrai travail d’équipe, sans aucun stress et ce malgré l’énorme travail à fournir et les délais à respecter. Marie-Cécile Destandau, la directrice de production, m’a beaucoup aidé dans les démarches, elle est un peu la « Mary Poppins » de la production, avec elle tout devient possible, c’est une perle.
Par ailleurs, il fallait soigner les cadrages, notamment pour les scènes de nus (en référence aux modèles qui ont posé pour l’artiste peintre). Il fallait trouver le ton juste sans tomber dans la maladresse ou la vulgarité. »
Pourquoi avoir choisi le format de docu-fiction ?
Ce n’est pas un docu-fiction. Un docu-fiction comporte de la fiction de manière plus importante que la partie documentaire. Notre film donne cette impression car tout est imbriqué, mais il ne faut pas le caractériser comme tel. J’ai employé la fiction pour être cohérent avec ce sentiment de vitesse et de tourbillon que l’on trouve dans les œuvres de Toulouse Lautrec.
Comment avez-vous mené votre travail de recherche sur le personnage et son époque?
Tout d’abord avec beaucoup de lectures et de précieux conseils. La productrice Emmanuelle Dugne et moi avons rencontré de nombreux spécialistes. Nous avions besoin d’avoir beaucoup de connaissances. Toulouse-Lautrec n’est pas un artiste classique, il est parfois difficile à cerner, d’où le titre « L’insaisissable ». Il s’est rendu célèbre grâce à la lithographie, qui est un procédé très moderne. Grâce à lui, l’affiche devient art. Il exposait dans des lieux non académiques, dans la rue, les journaux… Il était très clairvoyant. Il savait ce qu’il faisait et cherchait la reconnaissance. Il était par ailleurs très inspiré par les estampes japonaises.
Pour finir, que retenez-vous de Toulouse-Lautrec ?
Ce que je retiens de lui c’est sa passion, sa gourmandise, la vie en somme. Il a embrassé la vie dans tous les sens du terme. Il a jubilé dans son art et sa vie jusqu’au bout, il était dévoué à ce qu’il faisait. Il était un homme tout à fait honnête et fidèle à lui-même, il ne trichait jamais et surtout ne jugeait pas. C’était sa force, il peignait simplement ce qu’il voyait, ce qu’il aimait. L’honnêteté, c’est vraiment ce que je retiendrai de lui.
Propos recueillis par Angélique Appavou, pour le CFRT
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